3 Minutes Sur Mer en concert, live report et photos

C’est à la fois inédit et bizarre pour moi d’avoir terminé l’année en concert avec un groupe et de le retrouver en ce début d’année glacial. Les Parisiens reviennent de leurs congés de fin d’année. Mais surtout il y a une certaine actualité qui nous rattrape ce Mercredi 7 janvier qui est tellement inattendue, qu’elle choque, qu’elle me choque de façon très profonde. L’idée de ne pas me rendre au concert me traverse une demie-seconde. La demie-seconde suivante me rappelle que rien ni personne ne m’empêchera de circuler comme bon me semble, de remettre en cause ce concert que j’attends avec impatience,  même si le danger est latent et invisible.

Mais surtout je suis triste, à la limite du consolable et j’espère bien qu’un peu de musique va me changer les idées, à défaut de me faire oublier ces évènements tragiques ; Le Limonaire se situe en plein milieu de la Cité Bergère, on y accède par des petits chemins hors des Grands Boulevards, caché entre les architectures haussmanniennes et difficile de louper sa facade lie de vin justement. Car le Limonaire comme son nom ne l’indique pas est un bar, un bistrot à vins, qui accueille aussi sur sa scène intimiste des artistes qui font sonner la chanson française. Le trio  3 Minutes Sur Mer sont des fidèles du lieu, y retrouvent les habitués ou en accueillent des nouveaux.  C’est surtout un endroit convivial où on y mange bien, on y boit bien aussi sur des petites tables serrées les unes contre les autres, qui amène forcément à connaître son voisin. L’ambiance y est familiale, les règles immuables, on se restaure d’abord et on écoute les artistes après pour être sur de leur accorder l’attention qu’il se doit.

3 Minutes Sur Mer en concert, live report et photos
3 Minutes Sur Mer en concert, live report et photos

En arrivant, je jette un œil à la carte du jour, j’attends des têtes connues, c’est important de savoir que le concert se passe dans de bonnes conditions et très agréable qui plus est. Le ventre plein, les discussions animées, arrive le temps où Samuel Cajal (Guitare électrique & Choeurs), Johan Guidou (Batterie, Choeurs et effets spéciaux) et Guilhem Valayé (Chant, Guitare & Claviers) s’installent sur la scène du Limonaire. Même si la scène semble étroite, le trio a pris ses marques et évolue comme un poisson dans l’eau. Pour démarrer, Guilhem Valayé fait une magnifique lecture. Il se fend d’un très beau texte choisi pour la circonstance exceptionnelle écrit par Gaston Miron, écrivain québecois pour le recueil de poésies «  L’homme Rapaillé » :

 

LA ROUTE QUE NOUS SUIVONS
 
À la criée du salut nous voici
armés de désespoir
au nord du monde nous pensions être à l'abri
loin des carnages de peuples
de ces malheurs de partout qui font la chronique
de ces choses ailleurs qui n'arrivent qu'aux autres
incrédules là même de notre perte
et tenant pour une grâce notre condition
soudain contre l'air égratigné de mouches à feu
je fus debout dans le noir du Bouclier
droit à l'écoute comme fil à plomb à la ronde
nous ne serons jamais plus des hommes
si nos yeux se vident de leur mémoire
beau désaccord ma vie qui fonde la controverse
je ne récite plus mes leçons de deux mille ans
je me promène je hèle et je cours
cloche-alerte mêlée au paradis obsessionnel
tous les liserons des désirs fleurissent
dans mon sang tourne-vents
venez tous ceux qui oscillent à l'ancre des soirs
levons nos visages de terre cuite et nos mains
de cuir repoussé burinés d'histoire et de travaux
nous avançons nous avançons le front comme un delta
« Good-bye CHARLIE ! »
nous reviendrons nous aurons à dos le passé
et à force d'avoir pris en haine toutes les servitudes
nous serons devenus des bêtes féroces de l'espoir
 
Guilhem Valayé, qu’il soit avec ou sans ses acolytes, aime partager ses lectures personnelles. Il a l'âme d'un conteur d'histoires ancrées dans le réel et se prend au jeu de déclamer ces textes en français (issu de la petite ou de la grande littérature, des classiques aux obscurs et inconnus). Il faut dire que cela lui va comme un gant. Il y met non seulement les intonations et toute la conviction qui l’anime mais il est également un raconteur d’histoires qui use et abuse des textes comme d'une caisse de résonnance à sa culture personnelle qu'il lui semble toujours nécessaire de partager. Nous sommes un peu ses grands enfants qui écoutons religieusement comme le feraient des petits enfants dans leur lit avec les yeux écarquillés et les oreilles bien ouvertes. Bien sur, ce texte fait écho à Charlie  Hebdo, un bel hommage du trio aux humoristes trop tôt disparus.

Pour ce qui est du concert, Guilhem et ses compagnons l’ont bien rôdé entre petites nouvelles et titres issus du dernier album « Des espoirs de singes » et entre les deux des reprises très bien senties d’auteurs qu’ils affectionnent.

3 Minutes Sur Mer en concert, live report et photos

Jusqu’à présent, je suis allée voir le trio en Live en mode acoustique. Que je trouvais pourtant très électrique soit dit en passant. D’ailleurs, le chanteur Guilhem Valayé, qui commence à s’installer, me précise qu’ils n’envoient pas un set électrique au Limonaire qui ferait « trembler » la maison (et exploser celles des voisins  ?). 

Ce qui est également appréciable dans ce concert, c’est l’attitude respectueuse du public, qui offre une écoute et une concentration maximales à chaque titre interprété. C’est que 3 Minutes Sur Mer a su fédérer de vrais passionnés qui écoutent presque religieusement leur musique et les applaudissent vigoureusement et chaleureusement dès qu’ils terminent un titre. Autant vous dire que c’est un vrai bonheur pour moi, qui détestent les papotages récurrents et irrespectueux pendant une chanson, ce qui semblent devenu monnaie courante dans les grands concerts. Comme on dit, le bobo Parisien il vaut mieux l’avoir ailleurs qu’à un concert (cela n’engage que moi bien sûr).

Pour ce concert de ce soir, nous avons de la chance car le groupe teste depuis quelque temps des chansons nouvelles, qu’on imagine bien sur leur prochaine galette musicale, qui est très attendue en 2015. Démarrage sur les chapeaux de roue avec les premiers titres qui de manière récurrente, sont introduites par la guitare affutée de Samuel Cajal et adoubée par les percussions explosives de Johan Guidou.

3 Minutes Sur Mer en concert, live report et photos

Car écouter 3 Minutes Sur Mer en concert n’est pas une vaine promesse, c’est vraiment la certitude de retrouver la vérité de leur production (disponible depuis Janvier 2014) qu’est le bel album « Des espoirs de singes ». On est très vite marqué à vif  par l’intensité de leur musique, la cruauté et la spontanéité de leurs paroles qui dépeignent un réalisme de proximité, quotidien, de personnes ou de situations croisées au coin de la rue ou dans son voisinage. Cette vérité crue est balancée en pleine figure avec toute la finesse et l’honnêteté que peut avoir Guilhem Valayé qui défend ses textes comme une parole donnée, qui a la gorge nouée parfois même souvent quand il habite le personnage dont il parle.

Alors les voir au Limonaire, c’est accepter et finalement remercier ce groupe de s’exprimer en français dans une sobriété, un minimalisme qui force le respect, avec des sonorités riches et  franches, proches du défouloir, où on se prend littéralement les riffs de Samuel Cajal en pleine poire ou la frappe de Johan Guidou vous sonne de partout, aux oreilles, au cœur, qui déferlent comme des gouttes de sueur collées au front dont on ne se débarrasse pas.

Qu’on ne se méprenne pas. L’écoute de l’album « Des espoirs de singes » est déjà une alerte en soi  à l’auditeur qui voudrait les voir en Live. L’expérience, la volonté, l’envie des 3 musiciens de 3 Minutes Sur Mer ressortent dans leur concert comme une tranche de vie particulière le temps d’une soirée, où on « respire » au sens propre chaque composition du trio. Tout est bien rodé, chacun a sa place, et la complicité se lit dans les yeux rieurs, ou les petits gestes de chacun pendant les  titres où les spectateurs ne manquent jamais de se manifester.  Il y a aussi des moments de détente, où Guilhem Valayé prend la température du lieu, prend le temps de regarder (mais de regarder vraiment malgré les projecteurs aveuglants) les têtes connues comme les têtes nouvelles. Car l’ambiance et l’émotion palpables d’un concert de 3 Minutes Sur Mer est une des conditions voire LA condition sine qua non pour que le trio se donne à fond dans leurs chansons. Venir écouter le trio sur scène c’est souvent le fait d’un ami, d’ami qui vous encourage à venir les voir et ces chuchotements d’oreilles ont permis au groupe de voir grossir leur base de fidèles inconditionnels. Je suis heureuse d’en faire partie. A l’image de ce titre « 21 Hertz », où spontanément les claquements de doigts battent le rythme de cette courte chanson, sans qu’ils aient à le demander à leur public. Car c’est aussi une des facettes du trio, qui est en prise directe avec son  auditoire qui ne les lache pas d’une oreille et d’un oeil. Subjugué, on vous dit.

 

3 Minutes Sur Mer en concert, live report et photos

Voilà un bon résumé : Etre en prise avec l’humain et plus dans la fiction des choses.

Voir et écouter 3 Minutes Sur Mer sur scène, ça hérisse les poils, ça vous retourne comme une crêpe, à la fois pour toute cette émotion et cette rage partagées mais aussi pour toutes ces vérités bonnes à chanter. On regrettera juste que le public ne s’approprie pas les titres jusqu’à en chanter quelques refrains, de peur de couvrir la voix juste et intense de Guilhem Valayé ou par respect bien mal placé. On peut partager sans que cela devienne une kermesse et sans avoir « peur » de déranger l’interprète. Parenthèse fermée.

A vrai dire, cher Lecteur, pour tout te dire, j’ai eu du mal à écrire cette chronique. Au sortir du Limonaire, j'étais frustrée, j’avais comme un manque. Mais un vrai. Les mots étaient là mais ne se suffisaient pas à eux-mêmes. Alors, j’ai comblé ce manque en allant à nouveau voir le set cette fois-ci électrique du trio à la Menuiserie à Pantin. Le trio affectionne toujours autant les endroits associatifs, où chacun est reçu avec beaucoup de convivialité, à la bonne franquette, où on discute avec son voisin, sa voisine. La salle est à dimension humaine et on se serre, on se réchauffe même (par ces temps de grands froids parisiens) pour écouter 3 Minutes Sur Mer. Avec Frédéric (*) (photographe de son état), on papote avant de passer aux choses sérieuses et d’aller dans la salle pour faire des repérages. Je ne suis pas venue faire des photos cette fois-ci. J’ai envie de ré-entendre les chansons nouvelles entendues au Limonaire et me bercer avec les anciennes sur un mode énervé. 

Bien que j’aime leur répertoire dans son intégralité, il y a des titres qui me parlent plus que d’autres comme « Cage » ou encore cette reprise sublime du texte de Félix Leclerc « l’Alouette en colère » à la limite d’un étendard pour les 3 musiciens. Une chanson qui a été écrite en 1972 et qui sonne tellement encore d’actualité. 3 MSM a su habiller musicalement dans un esprit de dramaturgie sans dénaturer (bien au contraire) le propos de Félix Leclerc cette chanson presque prémonitoire à l’aune de la crise économique traversée. Félix Leclerc est aussi une icône célébrée au Québec pour son apport immense à la culture musicale et littéraire de ce grand pays. Pour Guilhem Valayé et ses musiciens qui ont fait plusieurs dates là-bas, c’est l’occasion rêvée de mettre en avant l’immense talent de cet artiste et auteur québecquois. Au même titre que d’autres auteurs à texte comme Léo Ferré ou Brel qui sont des influences assumées. Les musiciens ne sont pas cantonné à leurs chansons et ouvrent de sacrés horizons musicaux oubliés.

 

Je goutte mon plaisir au nouveau titre « l’Optimiste » qui avec sa mélodie douce va crescendo pour libérer les chevaux électriques de Sieur Cajal, comme une transe intergalactique qu’on ne maitriserait plus, pour finalement porter le coup de grâce avec ce refrain imparable « Pourtant toi, tu es encore là, tu me tends les bras et me serre plus fort ». Cette phrase n’a l’air de rien écrite sur cette page mais entendue en Live je vous jure qu’elle vous marque au fer rouge, comme une litanie qui se refuse à sortir de notre cervelle déjà bien amochée par les précédentes compositions du trio. Quand les trois voix se mêlent, il est quasi impossible de résister à ce chœur : je me mets à chanter à tue tête. Les gars, cette chanson est un futur tube en puissance.

Il y a encore « Porcelaine » et « Nous n’avions pas encore le temps » dont les mélodies sont décuplées par la guitare électrique de Samuel Cajal et portées de main de maître par les percus de Johan Guidou, ou encore le dévastateur « Canapé » et d’autres titres qui nous collent à la peau comme ils nous collent à l’oreille. Aucun moment de torpeur n'est possible. Et ce fameux « Jardin » qui clôt ce set bien à propos. Pendant longtemps, je n’ai pas prêté attention aux paroles, pour au final m’apercevoir que ce titre est assez autobiographique. Aussi improbable que cela puisse paraître, Guilhem Valayé vient d’un jardin (au sens propre) qui ne le prédestinait pas forcément à la musique. On ne saura jamais quel diable l’a fait changer de chemin mais je suis contente qu’il soit venu jusqu’à nous car nous aurions raté un superbe artiste et un incroyable groupe. On ressort repu d’un concert de 3 Minutes sur Mer, secoué par leurs mélodies rayonnantes, vibratoires et totalement percuté par leurs textes d'orfèvre. On se dit forcément à la prochaine puisque tel un junkie on a pris sa dose mais on a peur de manquer de leur musique Live. 3 Minutes Sur Mer continue de tourner sur Paris les 12, 19 et 26 février à la MENUISERIE à Pantin (voir les dates à venir sur leur page Facebook), mais surtout le trio fignole les titres d’un futur album qu’on espère voir sortir en 2015.

 

Crédit : Pierrick Guidou • Visual Worker

Crédit : Pierrick Guidou • Visual Worker

Epilogue. Oui il y a un épilogue qui n’était pas franchement prévu. Certains y verront de l'opportunisme et en vrai je m'en tape, car je n'ai pas attendu ce télécrochet pour apprécier leur répertoire. Je ne pouvais pas passer à côté puisque j’en ai déjà parlé sur le blog ICI. Samedi 6 février, vous aurez la joie d’entendre Guilhem Valayé sur votre petit écran, celui d’un télécrochet bien connu. Pour tout dire, 3 artistes (incluant Neeskens et Mathilde) que j’ai eu la chance de rencontrer et de suivre le parcours depuis leurs débuts sont présents sur la 4è saison de ce télécrochet et Guilhem est le petit dernier dont j’attends la prestation audiovisuelle avec impatience. Il y chantera « La nuit, je mens » d’Alain Bashung et les 5 secondes écoutées furtivement (à 00'29) sur le teaser que TF1 a laissé en patûre à nos oreilles promettent beaucoup. Sans ouvrir un quelconque débat, ce n’est jamais très facile pour ces artistes qui ont déjà parcouru un long chemin, usé jusqu’à la lie  les possibilités de développement de leurs connaissances, de vouloir avoir la reconnaissance du grand public qui puisse découvrir leur univers musical.

En l’occurrence, d’après les chiffres d’audience du dernier prime, près de 7,6 millions de spectateurs. Tous les réseaux de développement de France ne pourront rien contre ça. Ce n’est pas rien. C’est encore plus difficile quand vous venez de la scène indé pour qui TF1 et son marketing sont à l’opposé de leurs façons de penser et de vivre la musique. Puisque la musique est un système, il serait idiot de ne pas vouloir s’en servir pour ouvrir leur musique au plus grand nombre. Le tout est de ne pas y perdre son intégrité et sa liberté artistique. Je suis persuadée qu’ils sauront les garder. Tout comme le laisse à penser cette introduction postée par Guilhem Valayé sur les réseaux sociaux :

"Après m'être approché craintivement de la main tendue.
Après avoir reculé cent fois pour me voir revenu.
Après les soviets suprêmes houleux, ajournés faute d'unanimité.
Le temps était venu de construire d'autres fenêtres.
Un consortium de mains fières.
Attachez votre ceinture et soutenez-moi.
Je vous promets vous ne le regretterez pas."
Capture d'écran / TF1 The Voice - Shine Prod.

Capture d'écran / TF1 The Voice - Shine Prod.

Mise à jour de l'article : une nouvelle vidéo a été postée sur le site MyTF1 avec un focus sur le titre interprété par Gulhem Valayé sur > ce lien <. Enjoy !

Setlist du concert (Le Limonaire) : Pour partir - Nous n'avions pas encore le temps - L'eau chaude - Cage - Je suis un soir d'été (reprise de J. Brel) - Papillon - 21 Hertz - L'Alouette en Colère (reprise de F. Leclerc) - Fallait que ça passe - L'Optimiste - La fin de l'Aventure - Porcelaine - La Fin du Bal - Rappels : A Demain - Le Jardin - le Canapé.

Plus d’infos : Site officiel / Facebook / Youtube

Pour écouter et télécharger l'album "des Espoirs de Singes "  :

Vous pouvez retrouver les vidéos du concert sur ce lien et  le diaporama du concert de 3 Minutes sur Mer au Limonaire sur le lien ci-dessous :

(*) Photos de Frédéric Petit de 3 minutes sur mer à regarder sur ce lien > 3 Minutes sur Mer

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