Liberté, j'écris ton nom ....

Je souligne depuis très longtemps ce que la musique m’apporte. Nous savourons et aimons chez nous en France la culture en général et la musique en particulier, la liberté de jouer d’un instrument, de se produire ou d’assister à un concert, à un spectacle, d’écouter et de diffuser la musique sur de nombreux supports. En résumé, on a du mal à imaginer une seule seconde que l’on puisse en être privé. Les récents évènements ont mis le doigt sur une réalité, une triste réalité dans laquelle certaines personnes, qui au nom de leurs croyances sont persuadés que la culture, la musique sont néfastes pour eux et leurs croyances et par extension pour ceux qui pratiquent cette croyance.

Un exemple récent vient de voir le jour (un de plus malheureusement) où cette fois ci un orchestre symphonique en Iran n’a pas pu jouer l’hymne national sous le fallacieux prétexte que des femmes jouent dans l’orchestre et plus largement parce que « Des chefs religieux stigmatisent régulièrement dans leurs prêches les concerts et les plus conservateurs affirment que la musique peut "exciter" les jeunes et les détourner des principes de la révolution islamique. » (source : CultureBox, lire l’article sur ce lien).

L'Orchestre symphonique de Téhéran en mars 2015, avec son chef Ali Rahbari.  © AMIR POURMAND / ISNA / AFP

L'Orchestre symphonique de Téhéran en mars 2015, avec son chef Ali Rahbari. © AMIR POURMAND / ISNA / AFP

Je crois vraiment nécessaire de rappeler et de marteler qu’il faut combattre avec ses propres moyens ce genre d’action et dénoncer vigoureusement ces inepties qui ont été inventés par des personnes qui pensent asseoir leur autorité en interdisant les activités, les plaisirs, les choses, bref tout ce qui pourrait détourner de leur attention les potentiels croyants de leur religion. La barbarie revêt différentes formes, la violence en est une, la plus connue, mais l’obscurantisme et l’ignorance et la volonté de maintenir les gens dans l’ignorance est de loin une des plus insupportables parce qu’elle avance masquée, elle est silencieuse et se propage insidieusement et petit à petit dans les esprits avant d’être érigée en loi.

Le fait d’écrire dans ce blog, de partager mes goûts musicaux et de diffuser la musique à travers mes playlists, mieux d’appeler à la résistance musicale m’auraient déjà valu une condamnation (voir une sentence de mort) dans certains pays. Je n’ai tout simplement pas envie que ça m’arrive ni aux autres dans mon pays et dans les autres pays aussi. Donc je vais dans cet article partager des chansons qui m’ont touché parce qu’elle rappelle encore mieux que je ne pourrais le faire de se prémunir de cette barbarie, d’être résilient et de conserver quoiqu’il arrive notre amour de la musique et des arts, de continuer à partager notre culture auprès du plus grand nombre. C’est une réponse parmi d’autres, mais aussi petite soit-elle c’est une réponse et la volonté de ne pas laisser passer ces actes ignobles et barbares. J’ai décidé de partager sur mon blog 4 univers différents par des artistes différents qui ont un point commun : une réaction artistique spontanée, en musique à ces actes terribles dont la laideur voudrait nous envelopper. Je sais qu’il y a eu nombre d’hommages rendus cette semaine, mais j’ai choisi de publier ceux-là parce qu’intrinsèquement j’y trouve des idées et des valeurs qui me sont plus proches et, qui me touchent en tant qu’être humain.

J’ai décidé de mettre les paroles de ces chansons, qui ont autant de signification que la mélodie. Qui ont même une très grande importance.

Tout d’abord, l'exception qui confirme la régle, puisque la chanson date de 2014. Un artiste que j’aime et pour lequel j’ai un infini respect ainsi que pour sa musique et son parcours artistique, Dick Annegarn avec sa chanson « Pire ». Tiré de son album « Vélo Va », elle a à l'origine une autre signification personnelle. Au regard des évènements récents, elle pourrait définir avec des mots simples mais justes ces morts si lointaines si proches, des vivants qui doivent rester en vie malgré le départ insupportable des êtres aimés. Cette chanson nous dit implicitement qu'il faut savoir garder la force de vivre avec ce fardeau et vouloir s’en sortir, même si ce sera long.

Y aurait tant de choses à dire

Y aurait tant de choses à faire,

que je ne sais plus quoi te dire,

que je ne sais plus quoi te faire.

Le délit dans le délire,

c'est d'attenter à sa vie,

c'est de quitter le navire,

en pleine intempérie.

Pire.

Je m'attends au pire,

peu ou prou,

nos sorts se nouent.

Lyre,

maudite lyre...

Les cordes s'étirent,

jeux se jouent.

Bonne table nous accueille,

à satiété.

Soirée leste, soirée frustre,

de volupté.

Mon désir dévie vers toi seul,

toi seul me va.

Je m'arrange de ton linceul,

de ton barda.

Pire.

Je m'attends au pire,

peu ou prouve,

nos sorts se nouent.

Lyre,

maudite lyre.

les cordes s'étirent,

jeux se jouent.

Qui aurait pu me le prédire,

cette lente catastrophe.

On ne devrait jamais dire,

sans faire de strophes.

Quand s'étiole le poème,

quand on arrive aux mains,

quand on s'y donne,

s'y abandonne, jusqu’à demain.

Pire,

je m'attends au pire,

peu ou prou,

nos sorts se nouent.

Lyre,

maudite lyre.

Les cordes s'étirent,

jeux se jouent.

Crédit - Poley Luard en images - http://www.jemappellepoleyluard.com/

Crédit - Poley Luard en images - http://www.jemappellepoleyluard.com/

Puis, il y a le groupe 3 Minutes sur Mer. Avec lequel j’ai vécu  de si près les évènements de Janvier, qui avait su trouver les mots nécessaires pour expliquer leur ressenti, la tristesse énorme qu’avait provoqué ces attentats. Plusieurs mois plus tard à nouveau, ils ont eu à interpréter une chanson salutaire, celle de Félix Leclerc, qui est une de leurs principales influences, et dont le répertoire regorge de compositions qui prennent encore sens à notre époque. Ce texte « Races de Monde » en fait partie. La chanson figure dans l’album « L'Alouette En Colère » publié en 1972 (que je vous recommande). Ce texte résonne encore de façon très actuelle en 2015 : plus que jamais, l’argent divise le monde et règne en maître pour assouvir les besoins des uns et asservit les autres. Alors que la Terre est le bien de tous. Ici, dans ce texte, on pourrait même comprendre qu’il nourrit et permet le développement de croyances moyennageuses. 

Il y a une race de monde qui vit coupé du monde et ne le voit jamais

Qui méprise le monde derrière les rotondes sculptés de leur palais

Pas de femmes chez eux, ni d'enfants, ni d’aïeux ni de problèmes à deux

Ils vivent de l'esprit et qui donc les nourris ?

Le pauvre monde ma mie !

Le pauvre monde ma mie ! Il y a une race de monde celle des rues pleines de monde qui n'en sort jamais

Vivre à courir le pain, le vêtement, le chagrin et le train quotidien

coincé dans l'engrenage, le roulis, le tangage, le tapage des cités

N'a ni temps de gouter, d'écouter, de parler

Qui n'a repos que mort

Qui n'a repos que mort Il y une race de monde qui vit derrière le monde et le suit comme un chien

Le vole pendant qu'il dort, tourne ses poches et l'or, elle va le faire au loin. Une race de chacals invisibles, faisant mal, au matin ils dévalent

Elle n'a ni nom ni rang, son adresse est le vent, méchant, distant, absent. La pire race de monde, la dernière race au monde est celle qui mène le monde

A grands coups de crayons, à grands coups de canons, de sermons et d'édits

Le paradis, ma mie était possible ici dans chacun des pays C'est elle qui l'a détruit

Au nom de l'ordre aussi

Mais j'en ai assez dit La Terre est à tout le monde

Suis de c'te race de monde (repetita)

Liberté, j'écris ton nom ....
Liberté, j'écris ton nom ....

 

Pour la 3éme chanson, on va sortir de la dramaturgie. Geff le chanteur de Yalta Club me l’a fait écouter en disant très simplement que comme chacun d’entre nous, ils avaient été touchés par les attentats et qu’en studio d’enregistrement, spontanément cette chanson est venue. En l’écoutant, je n’ai pas pu m’empêcher de répondre « Très très beau morceau, j'adhère, j'adore! Il vous ressemble avec cet énergie rythmique salvatrice, c'est un titre qui fait beaucoup de bien ». Ils ont pris la décision de la publier Jeudi dernier avec un petit mot approprié en 3 langues.

 

"Au moment des attentats de janvier dernier, nous étions en plein enregistrement de notre deuxième album. Pour évacuer toute la tristesse et l’incompréhension générées par ces tragiques évènements, nous avions écrit un morceau, une chanson spontanée, naïve, tiraillée entre l’envie de pleurer et de faire la fête. Cette chanson s’appelle LOVE. Et puis il y a 2 semaines, le pire s’est encore produit. En réécoutant cette chanson, en nous réunissant pour la jouer tous ensemble, on a été bouleversés et on a eu envie de vous l’offrir, tout simplement.

Vous pouvez l’écouter ici, la télécharger ici, vous pouvez la garder pour vous, la faire écouter à vos proches si elle vous touche, l’écouter en boucle ou l’arrêter avant la fin, l’aimer ou la détester… Bref, cette chanson vous appartient maintenant ! On vous embrasse et on a hâte de reprendre la route pour venir partager des moments avec vous.

Love, Le Yalta Club"

 

Je crois que l’amour quelque soit sa forme est LA réponse à opposer à ceux qui voudraient fermer les yeux de tous ceux qui ne pensent pas comme eux. J’en reste intimement persuadée. Cette force est partagée par toutes les espèces vivant sur cette Planète et fait grandir tous ceux qui la partage. Alors, cette composition (à partager sans modération puisqu’elle est téléchargeable), il m’a semblé naturel de la diffuser ici, parce qu’elle est aussi porteuse d’espoir dans l’espèce humaine et pousse chacun à sortir des ténèbres où certains veulent  la jeter. Merci aux membres de Yalta Club d’ouvrir nos yeux vers cette lumière salvatrice. Avec un très bon  slogan "Spread your love like a fever".

It's always hard to cope with Violence rushing in your bones

And anger at one's beliefs

Always easier than anger on its own

 

Why can't we just love each other

Why can't we just love each other

Why can't we love

 

Just leave gods alone for a moment

Who said you had to start a fire?

 

And in your eyes, there is a war

I hope it's not too late to save your soul

In your eyes, I wanna see more I hope it's not too late to save our soul

 

Why can't we just love each other

Why can't we just love each other

Why don't we love

 

Everything was alright until we found the matchbox

Everything was alright until we found the matchbox

Everything was alright until we found the matchbox

Everything was alright until we found the matchbox

And fired

Liberté, j'écris ton nom ....

 

Il y a toujours un bonus à la fin auquel on ne s’attend pas ; Mon article aurait dû se terminer là. Puis Sandra Nkaké a posté il y a quelques minutes à peine sur les réseaux sociaux une reprise du chanteur argentin Atahualpa Yupanqui, « Los Hermanos » (en téléchargement libre). Elle est interprété par un collectif créé spontanément avec Mélissa Laveaux, Sandra Nkaké, Jî Dru, Christophe Minck, Julien Tekeyan, Jérome Perez, Thomas de Pourquery (VKNG), Mike Ladd, Antoine Berjeaud, et Cyril Atef rassemblé sous le nom de « Collective Vision of Peace ».

 

Sandra Nkaké explique  la raison de la création de ce collectif : « Suite aux événements récents survenus dans bon nombre de pays et plus proche de nous dans les rues de Paris et à leur écho dans les médias, les réseaux sociaux et la société civile, nous avons décidé de nous réunir, entre amis, pour enregistrer une version de Los Hermanos, d’Atahualpa Yupanqui et faire valoir qu’il est important d’être unis. La haine engendre la haine, La guerre engendre la guerre. »

 

A ceux qui voudraient faire croire qu’une guerre (de religion ou non) est la solution, il me semble évident de répondre que seule la Paix entre les peuples est la solution viable, le vivre ensemble en bonne intelligence et de façon fraternelle est plus que jamais indispensable. Ce mélange magnifique de voix et d’instruments sur cette chanson emblématique rappelle que la liberté est une chose précieuse, à laquelle il faudrait tenir comme à la prunelle de nos yeux. Qu’elle est le fondement premier des droits humains. Des vôtres. Et pas juste un ornement au fronton de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

 

Yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar. En el valle y la montaña, en la pampa y en el mar. Cada cual con sus trabajos, con sus sueños, cada cual. Con la esperanza adelante, con los recuerdos detrás. Yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar. Gente de mano caliente por eso de la amistad, Con uno lloro, pa llorarlo, con un rezo pa rezar. Con un horizonte abierto que siempre está más allá. Y esa fuerza pa buscarlo con tesón y voluntad. Cuando parece más cerca es cuando se aleja más. Yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar. Y así seguimos andando curtidos de soledad. Nos perdemos por el mundo, nos volvemos a encontrar. Y así nos reconocemos por el lejano mirar, por la copla que mordemos, semilla de inmensidad. Y así seguimos andando curtidos de soledad. Y en nosotros nuestros muertos pa que nadie quede atrás. Yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar, y una novia muy hermosa que se llama Libertad Yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar, y una novia muy hermosa que se llama... ¡Libertad!

Traduction en Français :

J’ai tant de frères, 
Que je ne peux les compter, 
Dans la vallée, la montagne, 
Sur la plaine et sur les mers.

Chacun avec ses peines, 
Avec ses rêves chacun, 
Avec l’espoir devant, 
Avec derrière les souvenirs.

J’ai tant de frères, 
Que je ne peux les compter.

Des mains chaleureuses, 
De leur amitié, 
Avec une prière pour prier, 
Et une complainte pour pleurer.

Avec un horizon ouvert, 
Qui toujours est plus loin, 
Et cette force pour le chercher 
Avec obstination et volonté.

Quand il semble au plus près 
C’est alors qu’il s’éloigne le plus. 
J’ai tant de frères, 
Que je ne peux les compter.

Et ainsi nous allons toujours 
Marqués de solitude, 
Nous nous perdons par le monde, 
Nous nous retrouvons toujours.

Et ainsi nous nous reconnaissons 
Le même regard lointain, 
Et les refrains que nous mordons, 
Semences d’immensité.

Et ainsi nous allons toujours, 
Marqués de solitude, 
Et en nous nous portons nos morts 
Pour que personne ne reste en arrière.

J’ai tant de frères, 
Que je ne peux les compter, 
Et une fiancée très belle 
Qui s’appelle liberté.

 

Liberté, j'écris ton nom ....

Je vous remercie sincèrement d’avoir été au bout de cet article, d’avoir pris le temps d’écouter ces compositions et maintenant vous savez à quel point la vie, l’amour, la fraternité, la paix, la liberté sont vos biens les plus précieux, bien plus que des mots.

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